Le Walhall est combattif, même parfois un peu débile.
Il
y a un an (déjà), je me battais sur la "blogosphère". J'ai déposé les
armes, aujourd'hui, parce que je n'ai plus la force de combattre, mais
l'esprit est - à peu près - toujours là.
J'avais repéré une bande
d'amuseurs publics qui ne me faisaient pas rire. Interloqué par ma
propre froideur à l'égard de textes qui provoquaient des centaines de
réactions enthousiastes, j'errais, perdu, au milieu d'anecdotes plus ou
moins bien tournées relatant les aventures plus ou moins passionnantes
de gens plus ou moins fortunés.
J'avais beau ne pas y comprendre
grand chose, j'ai immédiatemment réalisé que sur ces blogs, la question
du "sens" n'en était plus une. Ou alors, un sens bien particulier,
inaccessible à des gens comme moi. Une vie a un sens tout relatif,
voilà bien l'une des phrases les plus sages que je me sois dites dans
ma vie, et elle émergea de la lecture de ces blogs "branchés".
Pourquoi
branchés ? Parce qu'on y parlait de tout, de rien, dans une certaine
langue, et selon une construction bien particulière, propre à faire
rire.
Pour donner un exemple, le premier article sur lequel je
suis tombé (coïncidence ?) relatait les péripéties d'un jeune homme
(l'auteur du blog, sans doute) à un "énième" vernissage auquel il ne
voulait pas aller. Manque de pot, Wawa, étant un hyper-sensible de la
violence symbolique, n'a pu s'empêcher de mettre ses gros sabots dans
la grosse mare (j'ai l'impression qu'il y a là une ou deux expressions
populaires que je maîtrise mal). Armé de smes pauvres lectures
ronflantes, bien hermétiques au profane et surtout contraires, malgré
moi, à ce qu'il est avisé de lire et de dire avoir lu - Bourdieu,
rendez-vous compte -, je m'engage donc dans une lutte verbale avec
l'auteur du post en question à propos de la violence toute symbolique
que ses propos peuvent dégager, à son insu bien entendu.
On me
qualifia de rabat-joie et d'empêcheur de blogger en rond. On m'insulta,
aussi, mais j'avoue l'avior bien mérité. J'enrobais mes propos de
vacheries mal dissimulées, et tournais mes phrases de manière à faire
hésiter le lecteur entre lard et cochon. Très mal joué, car personne
n'a rien compris, sinon que j'étais un connard.
Toutefois, sur mon
propre blog, une jeune fille est venue, à la même période, me rentrer,
en l'occurrence, dans le lard. Et, première fois, j'ai réussi à
exprimer le fond de ma pensée, le fond de ce qui m'amena en premier
lieu à commettre un attentat contre le blog de son ami, et qui
finalement, me pousse encore et toujours à défendre, parfois, sur le
blog que vous êtes en train de parcourir, des choses peu défendues, à
souligner des choses méconnues.
Je me laisse la parole ; c'était au mois de juin 2005.
Ma chère, nous ne
sommes pas du même monde. Votre blog, comme ceux de la plupart de vos
amis, met tout sur le même plan, enchaîne les éléments importants aux
nécessités matérielles du quotidien, comme dans un roman de Bret Easton
Ellis ou, bien plus, de ses alias francophones ratés. Tout, du coup,
revêt la même importance : vous parlez d'émotion comme vous parlez de
votre canapé ; parler de politique et de la litière du chat dans la
même phrase ne vous dérange pas ; vous vous efforcez constamment de
rester dans une certaine autodérision, comme pour signifier que vous
n'accordez pas plus de crédit à vous-même qu'au monde qui vous entoure
; et c'est l'absurdité (rien n'a plus de valeur qu'autre chose) qui se
dégage, pour toutes ces raisons, de ce que vous écrivez. Je ne
sous-entends pas, cependant, que cet aspect trahisse complètement votre
réel état d'esprit. Vous voyez certainement du sens dans ce monde. Mais
vos propos, en tout cas, me semblent démontrer le contraire.
Pourtant,
il y a des choses pour lesquelles vous vous battez, sans aucun doute.
Eh bien moi aussi. Mais j'accorde mille fois plus d'importance que vous
à certaines choses, et mille fois moins à d'autres. C'est tout le
propos de ce blog : mettre en lumière ce qui, à mon sens, mérite de
l'être (et sauvegarder un peu du sens de la vie, qu'il est bien plus
facile à mon goût de contester). Ainsi, la lettre envoyée à cet abruti
de XXXX n'avait d'autre but que de souligner d'un grand trait rouge ce
qui, d'ordinaire, ne suscite aucune réaction ou, tout au plus, énerve
légèrement mais dans une zone tellement inconsciente que ces accès de
nervosité sont considérés comme insignifiants et oubliés. Oui, je me
bats contre quelque chose en apparence dérisoire, et votre réaction,
comme d'ailleurs celle de XXXX, le montre bien. Mais l'intention de
cette page est justement de montrer que certaines choses importantes et
dotées de beaucoup de sens peuvent être sous-tendues par des propos que
d'aucuns jugeront au premier abord insignifiants.
Manquer ces
significations latentes, c'est à mon sens manquer beaucoup des enjeux
dans lesquels sont pris les discours et leurs auteurs en général.
Certains enjeux étant susceptibles de générer de la souffrance (tous,
en réalité), il m'apparaît intéressant de les arracher à la
méconnaissance qui les protège. Je me fiche éperdumment de savoir si ce
qui me semble, à moi, digne d'être dénoncé, revêt la même importance
aux yeux des autres ; car voyez-vous, j'ai en moi un réflexe
inexpugnable qui m'enjoint à tout moment de me battre, certes avec le
peu de moyens dont je dispose, contre ceux qui s'auto-proclament
ambassadeurs de la critique, de la culture ou de l'intelligence, et ce
pour la raison que ces individus sont, bien plus que les autres, et
parce qu'on leur accorde trop de crédit, susceptibles d'écraser et de
faire souffrir.
Comme je vous le disais, donc, nous ne sommes pas
du même monde : je fais partie de ces gens qui ne rougissent pas de
défendre de petites causes et de garder un pied dans le premier degré.
Et vous, eh bien j'ignore en effet, comme votre ami XXL le faisait à
juste titre remarquer, dans quel monde vous naviguez. Mais vos propos,
d'aussi loin que je suis concerné, donnent en tout cas l'impression
d'un espace où règne l'apesanteur. Ce qui, je n'en doute pas, ne
manquera pas de vous faire conclure à votre plus grande liberté.