Les "plaisirs" de l'intelligence : niet. Ca, c'est fait.
"Comme Bergotte habitait dans le même
quartier que mes parents, nous partîmes ensemble ; en voiture, il ma
parla de ma santé : « Nos amis m’ont dit que vous étiez souffrant. Je
vous plains beaucoup. Et puis malgré cela je ne vous plains pas trop,
parce que je vois bien que vous devez avoir les plaisirs de
l’intelligence, et c’est probablement ce qui compte surtout pour vous,
comme pour tous ceux qui les connaissent. »
Hélas ! ce qu’il
disait là, combien je sentais que c’était peu vrai pour moi que tout
raisonnement, si élevé qu’il fût, laissait froid, qui n’étais heureux
que dans des moments de simple flânerie, quand j’éprouvais du bien-être
; je sentais combien ce que je désirais dans la vie était purement
matériel, et avec quelle facilité je me serais passé de l’intelligence.
Comme je ne distinguais pas entre les plaisirs ceux qui me venaient de
sources différentes, plus ou moins profondes et durables, je pensai, au
moment de lui répondre, que j’aurais aimé une existence où j’aurais été
avec la duchesse de Guermantes et où j’aurais souvent senti comme dans
l’ancien bureau d’octroi des Champs-Elysées une fraîcheur qui m’eût
rappelé Combray. Or, dans cet idéal de vie que je n’osais lui confier,
les plaisirs de l’intelligence ne tenaient aucune place."
Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs